Turnover en baisse : un nouveau défi RH à anticiper
Alors que le turnover diminue, les entreprises doivent distinguer fidélité choisie et fidélité subie. Une lecture fine des signaux RH s’impose pour activer les bons leviers de rétention durable.
Alors que le marché de l’emploi retrouve une certaine stabilité, un phénomène se dessine en France comme ailleurs : la baisse des départs volontaires, parfois qualifiée de « Great Stay » ou de « Big Stay », qui marque un renversement de tendance comparé à la tendance de « Great Resignation » observée pendant la période post-Covid. Cette tendance, bien que rassurante en apparence, soulève de nouvelles questions pour les équipes RH : désengagement, manque de perspectives ou simple résignation.
Une fidélité qui interroge
D’après notre enquête 2025 sur les tendances des avantages sociaux, les employeurs identifient la concurrence pour les talents comme le principal défi RH : 50 % déclarent qu’elle influence directement leur stratégie d’avantages sociaux. Dans ce contexte, 36 % cherchent à renforcer l’adhésion des collaborateurs en alignant leurs dispositifs avec leur raison d’être, tandis que 55 % souhaitent mieux accompagner leurs salariés dans l’usage des avantages offerts.
Ces chiffres traduisent une réalité claire : face à des talents toujours plus exigeants, l’enjeu n’est plus seulement de retenir, mais de fidéliser par conviction. Car à défaut, un désengagement silencieux peut s’installer, plus difficile à détecter qu’un turnover actif… mais tout aussi stratégique à adresser.
Un certain niveau de turnover reste sain pour une entreprise : il permet de renouveler les équipes, stimuler l’innovation et maintenir des dynamiques internes équilibrées. À l’inverse, une baisse trop marquée des départs peut être le reflet d’un désengagement passif, d’un manque de perspectives ou d’une faible confiance dans le marché de l’emploi.
La rétention choisie, fondée sur l’engagement, la projection et la confiance est une force pour l’entreprise. À l’inverse, une fidélité subie peut cacher un désengagement latent, difficile à détecter mais délétère sur le long terme.
La rémunération reste centrale, mais ne suffit plus
Nos données issues de l’édition juillet 2025 de l’enquête Salary Budget Planning confirment une tendance à la modération des politiques salariales en France : les augmentations salariales moyennes attribuées en 2025 s’établissent à 3,1%, en baisse par rapport aux 3,8% attribuées en 2024. Cette inflexion s’explique principalement par une conjoncture économique incertaine et en raison notamment de résultats financiers moins bons qu’attendu et de politiques de maîtrise des coûts. Cette prudence est également le reflet d’un marché du travail, qui se stabilise très significativement.
Cela souligne l’importance d’une stratégie de rémunération cohérente avec les attentes des salariés et des candidats, les pratiques du marché, intégrant les contraintes économiques et financières intégrées dans une approche de rétention globale. En France, 52% des salariés affirment que la rémunération est le premier facteur de rétention au sein de leur entreprise.
Dans un marché de l’emploi en recomposition, les attentes des collaborateurs continuent d’évoluer. Sécurité, reconnaissance, équilibre vie pro/perso, développement des compétences et flexibilité sont autant de critères qui influencent leur décision de rester… ou de partir.
D’après notre enquête 2025 sur les tendances des avantages sociaux, les entreprises françaises placent désormais l’expérience collaborateur parmi les priorités de leur stratégie RH. Plus de la moitié (55 %) affirment vouloir aider leurs salariés à tirer le meilleur parti de leurs avantages sociaux, tandis que 54 % prévoient d’élargir l’offre de prestations dans les trois prochaines années.
Le bien-être émotionnel et financier, les dispositifs de soutien familial ou encore la flexibilité organisationnelle figurent parmi les domaines d’action prioritaires. À cela s’ajoute une volonté forte d’optimiser la valeur des avantages proposés : 63 % des entreprises entendent renforcer les prestations offertes ou revoir leur partenariat avec leurs prestataires pour mieux répondre aux attentes des salariés.
Une dynamique qui traduit une prise de conscience claire : améliorer l’expérience collaborateur n’est plus un « plus », mais un impératif.
Le rôle clé des leaders RH : transformer une fidélité en levier d’engagement durable
Comment transformer cette stabilité en atout stratégique ? Certaines entreprises parviennent à faire de cette période une opportunité, en agissant sur plusieurs leviers clés :
- Définir l’évolution des rémunérations avec attention
Considérant la stabilisation du marché de l’emploi et la baisse de la mobilité des salariés, les budgets d’augmentations salariales sont en tendance en baissière – et continueront à l’être. Les résultats de l’édition de juillet de notre dernière enquête Salary Budget Planning le confirment : les augmentations salariales attribuées en 2025 étaient en moyenne inférieures à celles de 2024 et la tendance devrait se poursuivre en 2026. Cela souligne l’importance pour les leaders RH d’entamer une réflexion en profondeur sur l’alignement des pratiques de leur entreprise à ce contexte évolutif.
- Redonner du sens à la gestion de la performance
Avec moins de turnover, le rôle du management est renforcé. Clarifier les attentes, instaurer une culture du feedback et soutenir les managers dans leur rôle quotidien devient essentiel.
- Cibler les compétences clés et optimiser les recrutements
Dans un marché ralenti, chaque départ et chaque embauche comptent. Cartographier les compétences actuelles, anticiper les besoins à venir, investir dans la rétention des salariés ayant des compétences clés et recruter de manière ciblée est devenu un enjeu stratégique.
- Stimuler l’innovation pour éviter l’essoufflement
Pour contrer l’essoufflement interne, il est essentiel d’encourager les initiatives, la prise de parole et les projets transverses. Certaines entreprises lancent même des “challenges innovation” pour impliquer les équipes.
- Personnaliser les politiques RH selon les populations clés
Plutôt que des mesures uniformes, les entreprises les plus agiles adaptent leur stratégie RH aux enjeux de chaque population (jeunes talents, profils pénuriques, managers de proximité, etc.). Si cette baisse du turnover est une réalité en France, elle s’inscrit dans une tendance mondiale observée dans nos différentes enquêtes WTW. Savoir en tirer parti sans tomber dans la complaisance est l’un des défis majeurs des RH cette année.
Senior Director, Rewards Data Intelligence Practice Leader, WTW



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