LA CULTURE DU RÉSULTAT
La culture du résultat : le pari scandinave
La culture du résultat serait-elle la réponse aux problématiques de santé mentale au travail et de conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle ? C’est en tout cas le pari de nombreux employeurs en Scandinavie, qui espèrent renforcer par la même occasion l’engagement de leurs salariés.
Décryptage d’un management atypique où performance rime avec confiance.
La culture du résultat plutôt qu’un culte des horaires
L’organisme de santé et de prévoyance Malakoff Humanis a pointé une hausse de 82% des arrêts maladie liés à la santé mentale en 2022. En parallèle, 30 % des cadres se disaient prêts à démissionner pour obtenir un meilleur équilibre d’après le baromètre de l’IFOP et le taux d’absentéisme a atteint un pic de 6,7%. Les enjeux de bien-être sont plus retentissants que jamais dans la sphère professionnelle, renforcés par la crise du Covid-19 et son chamboulement des modes de travail. Ce revirement, les pays scandinaves l’ont anticipé grâce à une conception du travail bien différente du modèle français. “Je me fiche du comment, je veux juste voir le résultat” annonçait le CEO de l’entreprise norvégienne Amka, aux frères Meyer lors de leur première rencontre. Le principe est très clair : peu importe comment les objectifs sont atteints, le but est qu’ils soient atteints. Concrètement, cette approche managériale très répandue dans les pays scandinaves octroie une grande liberté (totale ou partielle) dans l’agencement des horaires et se concentre sur les résultats dégagés à la fin des délais impartis. Aux antipodes du modèle conventionnel français, encore fortement imprégné des principes d’horaires et de présentiel, elle repose donc étroitement sur la responsabilisation des employés.
Une organisation du travail basée sur l’autonomie et le feedback.
Au départ, le manager fixe des objectifs réalisables dans un délai raisonnable, le plus souvent échelonnés de manière hebdomadaire. Il appartient alors aux collaborateurs de s’organiser comme ils le souhaitent durant la semaine pour les atteindre. A la fin de celle-ci, un bilan d’équipe est mené pour évaluer les résultats et les potentiels facteurs bloquants. En cas de résultats décevants, un point en one-to-one peut être mené afin d’explorer les manquements et les besoins du collaborateur pour réussir sa tâche et le remettre sur de bons rails. Davantage de contrôle ne sera envisagé que si un collaborateur faillit dans sa mission de façon répétitive alors qu’il a tous les moyens à disposition pour atteindre ses objectifs.
Un management imprégné des philosophies scandinaves
Le succès de cette culture du résultat tient peut-être du fait qu’elle ne repose pas exclusivement sur les enjeux de performance. Au-delà de la flexibilité, elle intègre divers leitmotivs scandinaves qui promeuvent un art de vivre à la fois serein et bienveillant. Parmi ces leitmotivs, on retrouve notamment :
● le Lagom suédois : “ni trop, ni trop peu”, ce concept repose sur l’idée d’un juste milieu. Il invite au consensus et à l’équilibre aussi bien dans le mode de vie que dans le rapport au travail ;
● le Hygge danois : c’est l’art d’être heureux. Ce mantra encourage un environnement personnel mais aussi professionnel chaleureux et encourage à profiter pleinement des choses simples de la vie ;
● le Janteloven : transverse à plusieurs pays du nord, ce code de conduite pousse à l’humilité et au respect. Enseigné dès le plus âge, il est un socle des relations sociales qui favorise une culture du « nous » plutôt qu’un mode de vie individualiste. Égalité, altruisme et responsabilisation font donc pleinement partie de la mentalité promue dans les pays nordiques.
Ces philosophies se traduisent dans la sphère professionnelle par un management de proximité où les barrières hiérarchiques sont faibles et le niveau d’implication des collaborateurs élevé dans la prise de décision. Bien qu’animés par une vision commune, les pays scandinaves possèdent chacun certaines spécificités en termes de management : le Danemark porte plus d’attention à l’autonomie, avec des managers qui délèguent davantage, tandis que la Norvège se concentre davantage sur le bien-être et la satisfaction au travail. La Suède de son côté valorise énormément l’esprit de coaching et de mentorat dans ses formes de leadership.
Des journées alignées à la fois sur les besoins professionnels et personnels
Au pays du soleil de minuit, une journée type démarre à 8h et se termine à 16h mais cela reste largement flexible selon les entreprises. Fervent militant de la souplesse des horaires et du travail hybride, ce modèle permet aux collaborateurs de capitaliser sur leurs temps forts : certains sont en effet plus productifs le matin tandis que d’autres délivrent un maximum le soir. Certains se sentent plus concentrés après une séance de sport ou déchargés des courses et contraintes du quotidien.
Chacun peut y trouver l’agencement qui lui convient et composer ces journées de travail avec les contraintes de la vie quotidienne. Cela explique pourquoi nous pouvons croiser des travailleurs norvégiens en route pour les pistes de ski à toute heure de la journée, en particulier sur la pause déjeuner, comme illustré dans ce post LinkedIn :
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Les limites et précautions d’un modèle qui mise tout sur l’autonomie
La culture du résultat part du postulat que les collaborateurs disposent des capacités d’autonomie requises pour gérer leur répartition et rythme de travail. Le revers de la médaille peut être un manque d’encadrement parfois indispensable selon les profils.
Tous ne s’épanouissent pas forcément dans le travail hybride et une organisation aussi souple. Certains se sentent rassurés par un cadre plus conventionnel et trouvent un meilleur équilibre avec des horaires de travail bien distincts de leur temps consacré à la vie personnelle. D’autres requièrent également un suivi plus régulier sur leur travail et des interactions continues au fil de la semaine. Ce modèle suppose également que le manager soit parfaitement clair au quotidien dans ses attentes et les objectifs établis, ce qui n’est pas non plus inné pour tous.
Les risques d’un encadrement insuffisant :
● de la procrastination ;
● une cadence accélérée de travail ;
● des pics de stress ;
● un manque de déconnexion et de scission claire entre travail et vie personnelle ;
● un sentiment d’isolement ;
● des difficultés à travailler efficacement en équipe.
La cohésion d’équipe est un défi supplémentaire dans une approche de ce type : difficile en effet d’avoir des échanges fluides et un accès immédiat à l’information quand tout le monde suit son propre rythme de travail et peut être en déplacement à toute heure de la journée. Cette dispersion des collaborateurs peut compliquer la communication et renforcer par ailleurs le sentiment de solitude.
Enfin, l’évolution professionnelle passe généralement par le renforcement d’une expertise plutôt que par une montée hiérarchique. Cette approche pousse à un certain recul vis-à-vis de la relation au travail, de la place qu’il occupe dans nos vies et de la reconnaissance sociale attribuée à des promotions verticales. Néanmoins, cela reste une vision du travail parmi d’autres tout autant valides, et qui peut manquer de stimulation et de perspective pour certains collaborateurs désireux de monter les échelons.
L’application de ce type de management ne peut donc être envisagée dans tous les cas de figure et requiert une solide préparation en amont. Ses avantages ont toutefois de quoi inspirer les employeurs français pour répondre aux nouvelles attentes des collaborateurs en quête d’un meilleur équilibre de vie. Recentrer l’organisation du travail autour des accomplissements plutôt que des horaires devient un vrai vecteur d’engagement, de productivité, renforçant à la fois la marque employeur et la performance de votre entreprise.




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