Mettre en place une politique de reconnaissance
La reconnaissance au travail ne consiste pas seulement à récompenser les réussites des collaborateurs et des équipes. C’est une démarche de portée plus générale, qui comporte 4 dimensions :
- la personne comme être singulier : cette reconnaissance existentielle, qui renforce le sentiment d’exister, s’exprime par exemple par le respect des règles de courtoisie ou des caractéristiques personnelles de la personne, par un juste partage de l’information ou le développement de l’autonomie ;
- la reconnaissance de la pratique de travail valorise la compétence professionnelle du salarié, son expertise, sa créativité dans la manière d’exécuter sa tâche ;
- la reconnaissance de l’investissement dans le travail valorise la participation et la contribution à l’effort collectif, sans se focaliser sur les résultats obtenus ;
- la reconnaissance des résultats du travail porte sur la contribution du salarié à l’efficacité collective. Prenant une forme souvent très concrète (bonus, primes, incitations, etc.), cette forme de reconnaissance s’évalue généralement au terme de procédures bien rodées : entretien annuel d’évaluation, etc.
La reconnaissance associe donc une composante évaluative à une composante matérielle, traduite par divers actes qui constituent dans cette approche autant d’actes de management (remerciements, félicitations, primes, etc.).
Pour être compris et être efficaces sur le long terme, ces actes de reconnaissance doivent être CLAMÉS :
- Cohérents avec la stratégie, les objectifs et les priorités de l’organisation ;
- Légitimes, porteurs de sens et crédibles ;
- Adaptés, c’est-à-dire spécifiques à la réalisation ou à l’effort qu’il s’agit de saluer, et personnalisés en fonction des caractéristiques et des valeurs du ou des collaborateurs auxquels ils seront témoignés ;
- Multiformes dans le choix des pratiques, des mots et des gestes ;
- Émis d’une position hiérarchiquement proche, par un supérieur immédiat ou, plus exceptionnellement, par un dirigeant ;
- Sincères, c’est-à-dire authentiques et francs.
Soyons toutefois honnêtes : la reconnaissance au travail peut donner lieu à deux principaux travers :
- la caricature, si on la réduit à une suite de « ficelles » de management cherchant à extorquer l’engagement des salariés (d’où la condition de sincérité) ;
- le cantonnement aux interactions entre des personnes appartenant à la même organisation de travail. Le risque ici est de sous-estimer les attentes de reconnaissance mutuelle entre salariés, clients, usagers, population générale et structures sociales (notamment au travers de leurs dispositifs administratifs et étatiques : diplôme, appartenance à un corps ou à un ordre professionnel, etc.) — par exemple, la fierté vis-à-vis de ses pairs externes, côtoyés dans des associations professionnelles (comme l’ANDRH pour les DRH).
La reconnaissance au travail se joue aussi ailleurs que dans la relation hiérarchique Par définition, les sciences du management insistent sur ce qui se joue à l’intérieur du collectif de travail : comment les membres de l’équipe se reconnaissent-ils mutuellement ? sur la foi de quelles valeurs professionnelles s’évaluent-ils et se respectent-ils les uns les autres ? comment définissent-ils leur professionnalité et leur professionnalisme ?
Enfin, la reconnaissance s’exprime dans la qualité du dialogue social, où les attentes, les revendications, les besoins sont parfois contradictoires, mais réciproquement écoutés, respectés et pris en considération dans la mesure du possible.
Au final, la reconnaissance au travail est une philosophie de management qui a démontré son efficacité, sous réserve des conditions d’authenticité et d’exhaustivité mentionnées, et qui plaident pour une formation renforcée au management des personnes et des équipes, à la gestion des conflits et à la médiation, aux principes du vivre ensemble, etc. dans toutes les catégories de salariés, cadres ou non. Mais, même menées dans les règles de l’art, les pratiques de reconnaissance ne constituent qu’une condition nécessaire, mais pas suffisante, à l’amélioration de la qualité de vie et des conditions de travail des salariés. Leurs attentes de reconnaissance s’adressent, au moins autant qu’en interne, à des acteurs extérieurs, sur lesquels managers et DRH n’ont qu’un pouvoir d’agir limité. Un chantier important, car structurel, s’ouvre donc pour les décideurs…
Philippe Zawieja, psychosociologie du travail, directeur des partenariats stratégiques et de la recherche
et Jean-Christophe Villette, psychologue du travail, directeur général
EKILIBRE Conseil, Paris



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