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“La QVCT, c’est avant tout une question de lien humain”
À l’occasion de la Semaine de la Qualité de Vie et des Conditions de Travail 2025, nous avons échangé avec Cécile PRIOUL de Ça Ira Encore Mieux Demain, dont l’expertise porte notamment sur les périodes d’absence liées aux défis de la vie (maladie, deuil, aidance). Un regard
sensible et engagé sur la QVCT.

 

Quelles sont les principales ambitions que vous poursuivez à travers la démarche QVCT auprès ? de vos clients ?

Notre moteur, c’est de remettre de l’humain dans les chiffres. Trop souvent, l’absentéisme ou la démotivation sont traités comme des indicateurs froids, alors qu’ils traduisent bien souvent un vécu humain, parfois douloureux. À travers la QVCT, on veut aider les entreprises à prendre soin du lien entre les personnes, surtout quand la vie vient bousculer l’équilibre : une maladie, une maternité éprouvante, la perte d’un être cher, ou encore la charge mentale du rôle d’aidant… Nous agissons sur trois priorités : comprendre, outiller et relier. Écouter les signaux faibles, outiller les managers et les RH, et surtout, maintenir le lien même dans les moments de vulnérabilité.

 

Comment associez-vous les salariés et leurs managers à la définition et à la mise en œuvre des actions QVCT ?

La co-construction est au cœur de notre méthode. L’idée, c’est de ne pas plaquer une solution toute faite, mais de partir du réel au moment de la reprise du travail, de définir l’impact du motif de l’arrêt sur le quotidien de travail tel qu’il est perçu et projeté sur l’année à venir. Riches de nos 6 années d’expériences et de reprises réussies, nous faisons du sur-mesure, c’est souvent là que les meilleures idées émergent : des idées simples, concrètes, et efficaces sur le risque de rechute d’absences (91% de non-rechute sur L’année de la reprise)

 

 

Quels sont les principaux freins rencontrés dans la mise en place de votre méthode ? Et comment les dépasser ?

Les sujets que nous abordons sont souvent étiquetés « vie personnelle » donc, il y a parfois une forme de crainte d’ouvrir la boîte de Pandore : peur de ce qu’on va entendre, peur de ne pas savoir que dire. Il y a aussi, bien sûr, des contraintes de temps ou encore la peur d’être maladroit. Pour dépasser ça, on avance pas à pas. On commence par présenter nos expériences managériales, ce qui créent de la confiance, et on accompagne les managers pour qu’ils se sentent soutenus, pas seuls. Et surtout, on redonne du sens : la QVCT n’est pas un “en plus”, c’est un levier pour mieux travailler ensemble et être plus performant.

 

Comment évaluez-vous l’impact de vos actions sur la santé, la motivation et la performance. des salariés ?

En 2024, 95% des personnes accompagnées ont repris le chemin du travail et 91% d’entre elles n’ont pas connu de nouvel arrêt dans l’année. Nous évaluons tous nos accompagnements, par des questionnaires après la reprise envoyés au manager et au salarié, Lors du suivi à 6 mois, nous recueillons l’évolution du temps de travail ( temps partiel thérapeutique) et les absences s’il y en a eu auprès des bénéficiaires de notre méthode, mais ce qui nous intéresse, c’est le ressenti, le climat dans l’équipe, les paroles qui se libèrent. Quand une collaboratrice aidante ose dire qu’elle est épuisée, et qu’on trouve ensemble une solution d’aménagement, a déjà gagné. Quand un manager nous dit qu’il se sent enfin légitime pour parler autrement à un collaborateur en arrêt longue durée, nous mesurons aussi cet impact pour les services RH.

 

C’est là que la QVCT prend toute sa valeur : elle permet aux gens de mieux vivre… et de mieux travailler.

Un mot de la fin pour cette Semaine QVCT 2025 ?
Oui : la qualité de vie au travail ne s’arrête pas à la porte du bureau. Elle inclut les moments où l’on est vulnérable, absent. Et dans ces moments-là, la manière dont l’entreprise agit – ou pas – reste gravée dans la mémoire des collaborateurs. C’est là que se joue, profondément, la culture d’une organisation.
Le retour au travail, ça se travaille !

Quelles sont vos principales missions au quotidien en tant que DRH ?

En tant que DRH, mon rôle est de connecter la stratégie business avec la réalité humaine de l’entreprise. Mes missions s’articulent autour de trois grandes dimensions : la performance opérationnelle, le développement des talents et la cohésion sociale.

Concrètement, cela signifie :

  • Piloter la gestion des effectifs et des compétences pour que chaque collaborateur soit positionné là où il peut créer le plus de valeur,
  • Structurer des politiques RH en phase avec les objectifs économiques de l’entreprise,
  • Accompagner les managers dans leurs enjeux d’organisation, de leadership et de transformation,
  • Veiller à la qualité de vie au travail (QVT) et à l’engagement durable des équipes,
  • Et assurer une communication interne claire et mobilisatrice, qui donne du sens et aligne les énergies autour des priorités collectives.

Le DRH est aussi garant du climat social : il doit être en capacité de prévenir les tensions, de réguler les dynamiques d’équipe et d’ancrer une culture de la responsabilité et de la performance.

 

Quelles compétences et qualités sont essentielles pour exercer ce métier ?

Être DRH aujourd’hui exige avant tout une vision claire du business et une capacité à structurer l’organisation pour qu’elle gagne en efficacité. Les qualités essentielles sont :

  • Une lecture stratégique des enjeux humains, toujours en lien avec les priorités de l’entreprise,
  • Une maîtrise du droit social, des outils RH et des dynamiques organisationnelles,
  • Une capacité à conduire le changement, à faire évoluer les pratiques et les mentalités,
  • Et un leadership de conviction, pour prendre des décisions justes, les expliquer et les incarner.

Je ne parlerais pas nécessairement d’empathie au sens classique, mais plutôt de lucidité humaine, de discernement et de sens des responsabilités.

 

 Quels sont les principaux défis ou difficultés que vous rencontrez dans votre fonction ?

Les défis sont nombreux, car le DRH est à la fois un acteur du quotidien et un pilier des transformations. L’un des plus critiques est de maintenir un alignement permanent entre les enjeux humains, les exigences réglementaires et les objectifs business.

Cela implique de :

  • Gérer des contextes sociaux complexes (réorganisations, tensions, adaptation au changement),
  • Accompagner des managers dans des environnements incertains,
  • Et anticiper les besoins en compétences dans un marché parfois très contraint.

C’est un métier d’équilibre, où il faut arbitrer avec clarté, sécuriser les décisions tout en préservant l’engagement collectif.

 

Comment accompagnez-vous le développement des employés et la culture d’entreprise ?

Je considère le développement des collaborateurs comme un levier stratégique. C’est en investissant dans les compétences, la mobilité interne et le management de proximité que l’on construit une organisation durablement performante.

Concrètement :

  • Nous mettons en place des plans de formation ciblés, en lien avec les besoins business,
  • Nous accompagnons les mobilités et les parcours évolutifs pour sécuriser les compétences clés,
  • Nous renforçons une culture de la performance et de la reconnaissance, à travers des rituels managériaux et une communication cohérente,
  • Et nous intégrons la QVCT, non pas comme un concept, mais comme un pilier d’engagement et de performance durable.

La culture d’entreprise ne se décrète pas, elle se construit par les actes et la cohérence entre discours et réalité terrain.

 

Comment voyez-vous l’évolution du métier de DRH dans les prochaines années ?

Le métier de DRH va gagner en responsabilité et en influence. Nous sommes de plus en plus perçus comme des acteurs de transformation et des gestionnaires de risques humains, sociaux et réputationnels.

Parmi les grandes évolutions à venir :

  • L’intensification de la digitalisation RH, avec l’IA, les datas sociales et les outils d’analyse prédictive,
  • La montée des enjeux RSE, éthiques et de gouvernance,
  • Et l’évolution des attentes des collaborateurs, qui demandent plus d’agilité, de sens et de personnalisation.

Le DRH de demain devra être à la fois analytique et visionnaire, capable de piloter la performance sociale comme un levier business.

 

Merci Amandine Kerjean !